Sade a fait de sa sexualité une éthique, qu'il a manifestée dans une oeuvre littéraire. C'est par ce mouvement réfléchi de sa vie d'adulte qu'il a conquis sa véritable originalité. L'ouvrage se présente comme une série de dialogues retraçant l'éducation érotique et sexuelle d'une jeune fille de 15 ans. Une libertine, Mme de Saint-Ange, veut initier Eugénie «dans les plus secrets mystères de Vénus». Elle est aidée en cela par son frère (le chevalier de Mirvel), un ami de son frère (Dolmancé) et par son jardinier (Augustin).
Avis donné sur ce texte par la correctrice qui l'a préparé:
Il est intéressant de voir comment, en partant de postulats semblables (un matérialisme athée, pour simplifier), on arrive à des thèses complètement divergentes. Car mon éthique personnelle, comme celle de beaucoup de gens fort heureusement, m'interdit le viol, le meurtre, la torture, toutes choses que Sade justifie allègrement à longueur de pages. Il est amusant aussi de voir les méthodes qu'il utilise pour défendre ses propres goûts (je n'ai jamais lu un tel éloge de la sodomie), l'hypocrisie derrière laquelle il masque sa misogynie, son besoin pathologique de transgresser pour jouir. C'est d'ailleurs une contradiction essentielle chez lui, puisque la morale qu'il défend tuerait la source de son plaisir si elle venait à s'imposer. Reste que son propos est souvent redondant – ce défaut est cependant propre à nombre de livres à thèse -, que certains échanges frisent le ridicule et qu'on finit par s'ennuyer ferme. Mais ce n'en est pas moins une lecture dérangeante, il est stimulant de penser contre Sade, ce qui est une raison suffisante pour ne pas le brûler…